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O L T R
MOUVEMENT POUR UNE ORTHODOXIE LOCALE
DE TRADITION RUSSE en Europe occidentale
“ Nous avons transmis la foi, l’espoir et l’amour du Seigneur à nos jeunes et aux natifs d’Occident...
Mais nous ne pouvons vivre que parce que nos racines demeurent dans la Sainte Russie. ”

Table ronde n°10 - Exposé de Séraphin Rehbinder

Séraphin Rehbinder - Avenir de l’OLTR

 

Il me revient donc, aujourd’hui, de réfléchir à l’avenir de notre mouvement. En a-t-il un ? Que peut-il être ? Si la question se pose aujourd’hui c’est que depuis 10 ans les choses ont radicalement changé. L’Eglise Orthodoxe Russe Hors-Frontières a su se réunir avec le Patriarcat de Moscou en gardant son autonomie, qui est scrupuleusement respectée.

 

C’est la voie que voulait emprunter Monseigneur Serge, dès avant l’EORHF. Mais il en fut empêché par sa mort prématurée. Son successeur fut influencé par ceux des membres de l’Archevêché qui manifestaient une forte méfiance, voire une franche hostilité à l’égard de l’Eglise russe. Les raisons données pour expliquer une telle attitude ont varié dans le temps et suivant les personnes. Mais elles se fondent, probablement, sur une hostilité envers le régime politique de la Fédération de Russie et une crainte pour l’autonomie interne de l’Archevêché. Quoiqu’il en soit, ce changement d’attitude envers le Patriarcat de Moscou provoqua de nombreuses frictions, et même des troubles qui agitèrent l’Archevêché, pendant toute cette période.

 

Par ailleurs, chez certains, l’idée de l’autonomie interne de l’Archevêché commença à évoluer vers un véritable désir d’indépendance. « L’archevêché n’a pas d’Eglise-mère » disait-on de plus en plus.

 

Bien entendu, tout cela ne pouvait que déplaire au synode de l’Eglise de Constantinople et nous en avions prévenu publiquement les membres de l’archevêché à plusieurs reprises, notamment, lorsque le Patriarcat de Constantinople refusa de consacrer des évêques auxiliaires pour l’Archevêché. Et de fait, pour éviter la poursuite de tels errements, le Phanar décida d’imposer son candidat lors de «l’élection », devenue formelle, du successeur de Monseigneur Gabriel. Ainsi s’est évanouie une caractéristique dont certains membres de l’archevêché se glorifiaient le plus : l’élection de l’évêque dirigeant par une assemblée clérico-laïque. Il est paradoxal de constater que ce que certains craignaient de la part du Patriarcat de Moscou soit arrivé par celui de Constantinople.

 

Quoiqu’il en soit, l’Archevêché a, maintenant, à sa tête, un évêque choisi par Constantinople et dont la seule loyauté est donc envers ce Patriarcat. Le calme semble être revenu et il faut espérer que les quelques remous, autour de l’Institut Saint Serge, seront réglés par la discussion et la compréhension des positions de chacun. Alors, me direz-vous, à quoi bon continuer d’espérer réunir au Patriarcat de Moscou la troisième composante issue de ce Patriarcat ? Cela semble, maintenant, totalement irréaliste et est-ce vraiment nécessaire ?

Mais ce n’est pas parce qu’une anomalie perdure et finit par se fondre dans le paysage qu’elle cesse d’être une anomalie. Et rien ne nous empêche, mais tout nous oblige, à ne pas renoncer à chercher la vérité.

 

Que nous enseigne l’histoire de cet Archevêché ? Il est né du constat que fit Monseigneur Euloge qu’il lui était impossible, non seulement d’obéir aux évêques restés en Union Soviétique, mais même de communiquer avec eux de façon sûre, tellement ils étaient contraints par le pouvoir soviétique. Il se résolut donc à quitter le patriarcat de Moscou sans l’accord formel de ce dernier. Mgr Euloge savait qu’il transgressait, ce faisant, une des règles les mieux établies de l’Eglise. Mais il le fit car il se trouvait dans des circonstances inédites et dramatiques et il était quasi certain que son Eglise le comprendrait et le justifierait. C’est pourquoi, il s’engagea à soumettre son action au jugement de son Eglise dès que celle-ci redeviendrait libre.

Le Patriarcat de Constantinople ne pouvait pas non plus le recevoir sans ignorer les canons de l’Eglise. Il le fit, pourtant, en prenant ce diocèse dans sa juridiction, en attendant la clarification du pouvoir ecclésiastique à Moscou. Des deux côtés, il était alors tout à fait clair que la nouvelle situation était provisoire.

Il n’est pas possible d’évoquer ici toute l’histoire de cette entité ecclésiale, faute de temps. Mais cette promesse initiale, essentielle pour légitimer son existence, n’a jamais été tenue.

Certains diront pourquoi invoquer une histoire depuis longtemps révolue, tout a changé depuis lors. Mais l’Eglise est hors du temps, elle est immuable, même si son cours se développe dans l’histoire. Et nous venons d’assister à nouveau à la transgression de ces mêmes canons. L’ex-évêque Osborne a quitté le Patriarcat de Moscou, sans congé canonique, et a été reçu, malgré cette absence de ce congé, par celui de Constantinople. Heureusement dans ce cas, le Patriarcat de Moscou a accepté de délivrer le congé canonique après coup, afin de ne pas ouvrir une nouvelle crise entre les deux primats. Mais la situation de l’archevêché n’a, elle, jamais été régularisée.

 

Notre mouvement par son existence même, continue de témoigner de cette réalité.

Que l’on nous comprenne bien, nous ne sommes pas ici pour attiser des conflits ou dénigrer le Patriarcat de Constantinople. Nous n’avons pas oublié le destin tragique de ce Patriarcat, asservi par l’empire ottoman puis, après la chute de ce dernier, pratiquement privé de ses fidèles, chassés d’Anatolie, et en butte aux actes hostiles des extrémistes de la Turquie actuelle. Nous confessons simplement qu’après le schisme de 1054 qui a séparé Rome de l’Eglise orthodoxe, le Patriarche de Constantinople, qui était le second par l’honneur après Rome, est devenu le premier. Avec tous les orthodoxes nous affirmons qu’il conservera cette place, même si les raisons qui étaient à l’origine de cette primauté ont aujourd’hui disparu, jusqu’à ce que l’Eglise, dans son plérôme (sa plénitude) vienne à en décider autrement.

 

Mais nous affirmons, aussi, avec tous les orthodoxes que pas plus que le pape, primat de l’Eglise de Rome, le Patriarche, primat de l’Eglise de Constantinople, ne peut s’immiscer dans les affaires intérieures des autres Eglises. Il n’est pas nécessaire d’être expert en canons de l’Eglise pour comprendre cela et pour être persuadé que toute tentative de prouver le contraire en citant tel ou tel canon est vouée à l’échec. Car ce problème a été l’une des causes du schisme d’avec l’Eglise de Rome. Du reste, SS le Patriarche Bartholomée a rappelé, récemment, lui aussi, le principe conciliaire de l’Orthodoxie.

 

Par ailleurs, le statut canonique actuel de l’archevêché a toujours besoin d’être clarifié. Durant la période précédant l’élection du successeur de Mgr Gabriel, il a été affirmé par des représentants du patriarcat deux éléments importants :

  • Le Patriarcat de Constantinople est l « Eglise mère » de l’Archevêché.

  • Celui-ci a un caractère éminemment russe.

De la première affirmation on peut tirer la conclusion que l’Archevêché n’appartient pas directement à l‘Eglise de Constantinople, comme par exemple la Métropole grecque de France. Mais, il est une « fille » de l’Eglise de Constantinople, comme l’Eglise du Patriarcat de Moscou. L’Archevêché est de plus une « fille » tout aussi russe, mais qui est cependant dans la juridiction de Constantinople. Tout cela paraît compliqué et un peu ambigu sur le plan canonique. Car il en résulte la présence à Paris de deux évêques (exarques) du patriarcat de Constantinople, un pour les Grecs et l’autre pour les Russes. De même, il y a deux diocèses qualifiés de Russes, un du Patriarcat de Constantinople et un de celui de Moscou.

 

Nous touchons là le délicat problème de l’organisation de l’Eglise orthodoxe hors des pays dont c’est la religion principale historique. Ce problème a fait l’objet de beaucoup de discussions, notamment dans l’Archevêché, avec souvent la mise en avant d’idées contestables comme par exemple celle qui consiste à assimiler l’attachement à la foi de ses pères dans leur tradition à du « nationalisme ».

 

Dans ce débat, nous avons à dire que chacun a le droit de prier dans la langue qui lui convient le mieux sans être accusé d’être un orthodoxe imparfait. Nous avons, aussi, à dire qu’une Eglise véritablement (et non juridiquement) locale ne peut se former que quand le troupeau concerné est uni et le demande. A cet égard, l’existence d’un diocèse russe appartenant au patriarcat de Moscou et d’un autre diocèse russe dépendant de celui de Constantinople, et quelle que soit la bonne volonté des hommes, risque de constituer une tentation permanente de compétition et de disputes. Nous devons en témoigner, également.

 

Enfin, et là je peux en attester personnellement, les plus âgés d’entre nous se souviennent encore des hommes et en particuliers des hommes d’Eglise de la première génération de l’émigration. Quand ils parlaient de « l ’Eglise » sans plus de précision, ils parlaient de l’Eglise russe qu’ils aimaient et qui leur était chère, malgré tous les péchés des hommes qui la composaient. L’Eglise du Patriarcat de Moscou actuelle est cette même Eglise qui a été littéralement écrasée par le pouvoir soviétique, mais qui est ressuscitée sur le sang des martyrs qui a abondamment coulé sur ses terres. Cette résurrection est miraculeuse, car aucune force humaine ne pouvait reconstruire cette Eglise à partir de pratiquement rien. L’Eglise vit sur le sang des martyrs et non sur les discussions des théologiens. Et elle vit malgré tous les péchés des hommes qui la composent.

 

Nous avons, donc, nos convictions et nous devons en témoigner devant les orthodoxes de nos pays, car nous les croyons justes. Nous devons le faire sans violence ni hostilité envers quiconque, mais avec constance et humilité. Voilà ce que serait à mon avis la modeste mission de notre mouvement dans les prochaines années.

 

 

 

 

Catégorie : Table ronde n°10

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