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O L T R
MOUVEMENT POUR UNE ORTHODOXIE LOCALE
DE TRADITION RUSSE en Europe occidentale
“ Nous avons transmis la foi, l’espoir et l’amour du Seigneur à nos jeunes et aux natifs d’Occident...
Mais nous ne pouvons vivre que parce que nos racines demeurent dans la Sainte Russie. ”

Table ronde n°3 - Contribution de l'Évêque Basile de Serguievo (Osborn)

Communication lors de la troisième Table Ronde de l’OLTR

Pères, Mesdames et messieurs,

On n’a pas besoin de nous dire que l’Orthodoxie en Europe Occidentale est dans un état déplorable. La preuve en est malheureusement dans cette réunion même. Elle a lieu (pour autant que je sache) sans la bénédiction d’un évêque qui a une responsabilité pastorale dans ce pays, et contredit, par conséquent, les normes les plus élémentaires de la vie de l’Eglise orthodoxe.

Je n’entends pas simplement par là, que cela contredit les canons lesquels insistent sur le fait qu’il ne peut y avoir qu’un évêque dans une ville, mais que cela contredit la notion la plus élémentaire de la nature même de la fonction d’un évêque et par conséquent, de l’anthropologie et de la christologie orthodoxes. Car c’est dans la nature même de la personne humaine, créée à l’image de Dieu et vivant d’après le modèle du Christ, que d’embrasser tous ceux qui sont autour d’elle dans sa propre personne par le don de la communion inhérent à la notion même de personnalité. Voilà la raison pour laquelle l’évêque doit être « unique » : sa vocation est de répondre à la communauté locale et être une icône du rôle que le Christ remplit vis à vis de l’humanité toute entière. Mais ceci ne veut pas dire que l’évêque peut exister ou agir seul. Il ne peut exercer son office que quand il est entouré et soutenu par son troupeau, dont chaque membre est appelé, depuis la place où il se trouve, à réfléchir et agir, avec les autres, pour le bien de tous. Quand un évêque est séparé de son troupeau il ne peut exercer sa fonction correctement. Et pourtant il continue à en porter la responsabilité.

Il me semble que nos problèmes , ici en France, en Angleterre, un peu partout dans la diaspora, proviennent de deux sources :

La première est que la tradition canonique et l’histoire de l’Eglise - tout en indiquant clairement ce qu’il faut faire dans le cas d’une activité missionnaire de n’importe quelle église locale en dehors de ses limites - ne dit pas que faire lorsqu’il y a une arrivée massive de chrétiens orthodoxes dans des contrées, dans des pays qui ne font pas déjà partie d’une Eglise existante.

La seconde, et peut être la plus importante, c’est l’existence d’une rivalité entre les évêques dans l’Eglise et, par conséquent même, entre les Eglises. Il n’y a là rien de nouveau. Cela remonte aux premiers jours du christianisme, aux temps des Apôtres, où nous assistons à la rivalité entre les Apôtres Pierre et Paul sur le thème de l’approche envers les païens qui voulaient suivre le Christ. La fête des Saints Pierre et Paul célèbre la solution de ce conflit. En effet, les Evangiles eux mêmes montrent clairement que la rivalité existait entre les Apôtres pendant le ministère même de Jésus et cette rivalité était réprimandée.

Malheureusement nous, en Europe Occidentale, nous avons été entraînés dans cette rivalité et nous voyons maintenant qu'elle empoisonne notre vie d’Orthodoxe, que nous soyons évêques, clercs ou laïcs. Si nous devons avancer, il nous faudra reconnaître l’existence de cette rivalité aussi bien parmi les autres que parmi nous-mêmes. Comme celle-ci ne peut être complètement éliminée de l’homme dans son état actuel de chute, le mieux que l’on puisse faire, c’est de tenter d’en limiter les effets. Pour cela nous - évêques, clercs ou laïcs - devons nous engager dans une « bonne » rivalité, en tentant de se surpasser les uns les autres dans la poursuite des objectifs de l’Eglise, pour le bien de l’Eglise et non pour nous mêmes. De la même façon, le Fils de Dieu fit ce qu’Il vit le Père faire, non pas pour se mettre à la place du Père, mais pour accomplir la volonté du Père pour le Fils lui-même et pour l’humanité.

Pour savoir comment aller de l’avant nous devons comprendre ce que l’on entend par l’expression Eglise « locale ». Cela nous aiderait tous de limiter l’usage de cette expression Eglise « locale » au cas du diocèse local et territorial. Si nous le faisons, nous constatons que le but vers lequel nous devons aller est en fait une Eglise « régionale » en Europe de l’Ouest. Ceci devrait être la politique officielle de toutes les Eglises mères, car elle est conforme aux normes canoniques et à l’expérience historique de l’orthodoxie mondiale – et ceci est déjà la politique officielle du Patriarcat de Moscou. Le seul problème auquel nous avons à faire face est comment y parvenir de la meilleure façon.

Etant donné qu’il n’est pas actuellement possible d’obtenir un consensus orthodoxe sur cette question, je suggérerai que la meilleure voie pour nos juridictions qui s’« entre chevauchent » serait de poursuivre ce but le mieux qu’elles le peuvent, et aussi rapidement qu’elles le peuvent. L’Eglise russe, pour sa part, l’a déjà proposé dans la lettre du Patriarche Alexis du 1 avril 2003. Le fait que les propositions du Patriarche n’aient pas été reçues à bras ouverts par les autres entités ecclésiales qui sont issues de la diaspora russe en Europe occidentale indique qu’il y a un certain travail préalable à faire, soigner les blessures de l’histoire, augmenter le niveau de connaissance ecclésiale, etc. Mais tout ceci ne devrait pas nous empêcher de nous consacrer au travail commencé. Un pas en avant très significatif serait l’établissement d’une véritable Métropole au sein du Patriarcat de Moscou.

Nous devons cependant être très clair sur ce qu’est une Métropole. Une Métropole (et on peu le voir dans l’organisation de la Métropole russe en Amérique du Nord avant l’octroi de l’autocéphalie en 1970) est un regroupement d'Eglises "locales" ou diocèses, dans une Eglise autonome " régionale " dans une contrée géographique particulière. Pour qu’une Eglise « locale » ou un diocèse soit autonome, elle doit être en position d’élire son évêque, élection qui doit, évidemment, être confirmée par un synode d’évêques locaux présidé par un Métropolite. La raison en est, que l’Eglise ou le diocèse « local » est l’Eglise universelle en réduction in parvo, la communauté de croyants assemblés autour du Christ. C’est un groupe de telles Eglises locales, dont chacune incarne la plénitude de la foi et de la pratique chrétienne, qui constitue une Métropole.

C’est sur ce point là que le projet des statuts qui a été discuté entre l’archevêque Serge et le Patriarcat me semble incomplet. Ils fournissent le mécanisme pour l’élection d’évêques diocésains et leur confirmation, mais ceci n’est pas véritablement local. Cela se passe au niveau du Concile Métropolitain (« concile ordinaire », Art. 36) et non au niveau diocésain. L’effet en est, que l’autonomie du diocèse local se voit sérieusement réduite et cela sape la structure traditionnelle de la Métropole. Quand est-ce qu’une Métropole n’est pas une véritable Métropole ? Quand les diocèses qui la composent ne sont pas véritablement des diocèses autonomes. La confirmation de cela peut être vue dans le fait que le Métropolite – d’après l’ébauche des statuts – se voit confier des tâches qui, en Russie, seraient du ressort des évêques diocésains locaux comme le souci pastoral pour le bien être des communautés locales, l’orthodoxie de leur foi, leur pratique liturgique, les relations avec les autorités civiles locales, etc...(Art. 46 et 47).

La raison de cela me semble claire: le point de départ pour le projet des statuts était le statut existant de l’Exarchat. Mais ce statut – bien qu’il eut été un progrès par rapport à la situation de 1971 – laissait néanmoins les paroisses russes sous Constantinople organisées en un diocèse unique, disposant du droit de nommer des évêques vicaires quand nécessaire. Ceci n’est pas une Métropole et ne peut servir de modèle à l’organisation d’une Métropole.

Pour la Métropole de l’Europe Occidentale il convient d’utiliser le modèle de la Métropole d’Amérique du Nord telle qu’elle existait avant 1970, avec, bien entendu, la condition qu’elle soit complètement intégrée au Patriarcat, l’élection du Métropolite étant subordonnée à la confirmation par le Patriarche et le synode de l’Eglise Mère. Ce faisant, l’église russe montrerait la voie du progrès, comme elle l’a fait en Amérique du Nord, et inviterait les autres juridictions à la suivre – comme elle le fait progressivement là-bas. Si jamais le Patriarcat de Constantinople accordait à son Exarchat des paroisses russes en Europe Occidentale, le même statut et la même organisation que ceux, que le Patriarcat de Moscou a conféré à ses propres paroisses, cela serait réellement un grand pas vers la création d’une église orthodoxe, « régionale » en Europe Occidentale.

J’aimerais dire en conclusion que nous devons admettre que le patriarcat de Moscou est la seule Eglise autocéphale qui soutienne ouvertement et officiellement l’idée de la création d’une Eglise « régionale » en Europe Occidentale. Nous devons en être extrêmement reconnaissants. Il faut maintenant chercher des déclarations – et des actions – similaires de la part de toutes les Eglises mères impliquées en Europe Occidentale. En particulier il faudrait demander au Patriarcat Œcuménique de conférer à son Exarchat actuel le statut et la structure d’une Métropole, caractère qu’il ne possède pas à l’heure actuelle. Et à cause de cela, il ne peut pas servir de modèle à la future Eglise orthodoxe en Europe occidentale.

L’avenir pour nous tous est, ce que j’appellerai « un geste prophétique »: le Patriarcat de Moscou devrait procéder à l’établissement d’une véritable Métropole en Europe Occidentale, avec Eglises (où diocèses) « locales » fondées sur les réalités géographiques, politiques et ethniques de l’Europe Occidentale qui seraient groupées en une Métropole « régionale » autonome au sein du Patriarcat. Une telle entité, si elle arrive à résoudre ses propres problèmes, développer et étendre ses activités, servirait comme une sorte d’aimant pour les autres orthodoxes de la région, les attirant et les encourageant à se mouvoir dans la même direction au sein de leurs propres juridictions.

Ainsi notre, rivalité pourra-t-elle, j’ose espérer, se limiter à suivre de plus près la volonté de Dieu pour nous comme cela est exprimé dans la tradition canonique de l’Eglise, sans qu’il y ait le besoin d’entrer en compétition concernant l’allégeance des paroisses et des individus comme cela semble être le cas actuellement.

Catégorie : Table ronde N°3

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