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O L T R
MOUVEMENT POUR UNE ORTHODOXIE LOCALE
DE TRADITION RUSSE en Europe occidentale
“ Nous avons transmis la foi, l’espoir et l’amour du Seigneur à nos jeunes et aux natifs d’Occident...
Mais nous ne pouvons vivre que parce que nos racines demeurent dans la Sainte Russie. ”

Table ronde n°2 - L'expérience américaine

Serge Schmemann

Tout d'abord, je vous remercie de m'avoir invité pour vous parler de notre expérience américaine.

Le week-end dernier, j'ai pris part à une conférence à Londres et notre groupe a débattu de la question suivante : qui sont les Russes - font-ils partie de l'occident ou bien de l'orient? Et j'ai compris que cette question ne se posait pas seulement ici, chez nous, mais également chez eux! qui sommes-nous? A quelle entité appartenons-nous?

Malheureusement je ne détiens pas la réponse. Mais peut-être que quelque chose de notre expérience américaine pourra aider à trouver la réponse.

Je commencerai par un bref rappel historique de l'orthodoxie en Amérique.

Cette histoire commence avec l'arrivée de huit missionnaires venant du monastère de Valamo en 1794. L'Eglise s'implanta peu à peu à travers les Etats Unis, surtout en raison de l'arrivée d'un grand nombre d'immigrants.

 

 

Jusqu'à la révolution russe, la plupart des communautés orthodoxes en Amérique -grecque, arabe, roumaine et autres faisaient partie du diocèse de Russie.

Après la révolution russe, le Patriarche Tikhon - aujourd'hui saint Tikhon - et qui avait été métropolite d'Amérique pendant 10 ans, promulgua une décret selon lequel tous les diocèses se trouvant en dehors de l'Union soviétique devaient s'administrer de façon autonome, tant que le moment de s'unir à nouveau à l'Eglise russe ne sera pas possible.

En 1924, le Sobor du diocèse d'Amérique se déclara formellement indépendante. Parallèlement, les autres communautés orthodoxes d'Amérique se mirent à fonder des diocèses spécifiques.

Vers cette époque, les fidèles de notre région métropolitaine, se sentaient de plus en plus américains. Dans les années 60, l'orthodoxie était présente en Amérique du Nord depuis 175 ans ; de nombreux russes avaient combattu dans les rangs de l'armée américaine, un grand nombre était né en Amérique.

Bien que souffrant profondément pour la Russie, ils considéraient la région métropolitaine comme étant leur église d'Amérique. Leurs enfants ne voulaient plus appartenir à une église «étrangère». Et peu à peu naissait le sentiment que dans l'Orthodoxie il y avait quelque chose dont nous, en tant qu'Américains, pouvions être fiers.

Déjà en 1967, de façon non officielle, le Sobor Métropolitaine avait voté pour modifier la dénomination de notre Eglise, et la désigner dorénavant : Eglise Orthodoxe en Amérique.

Il est important de noter qu'avant les premiers contacts avec Moscou, mon père - le père Alexandre Schmemann - avait essayé d'entrer en pourparlers avec le Patriarche Œcuménique. Mais ce dernier lui avait dit que nous étions russes et que c'est avec Moscou que nous devions résoudre nos problèmes.

A la même époque, Constantinople supprima l'Exarchat russe en Europe et essayait de vous convaincre de revenir à Moscou.

C'est ainsi que commencèrent les pourparlers avec Moscou, tout d'abord informels, puis officiels. La partie Russe était représentée par le Métropolite Nicodème de Leningrad ; mon père représentait notre partie et avait un rôle clé. Le processus était lent. De manière fortuite, je me suis trouvé à l'une des sessions: j'arrivais au Japon, à Tokyo, du Vietnam où je servais dans l'armée américaine et rencontrai mon père. Le Métropolite Nicodème se trouvait également là. Lors d'une réception, je m'approchai de monseigneur Nicodème pour recevoir sa bénédiction et, je n'oublierai jamais comment il me chuchota: «vous devez battre les communistes!»

Ce que nous avons obtenu de Moscou, c'est l'autocéphalie, c'est-à-dire une indépendance totale et l'auto-administration complète. Sans dépendre de personne.

Une église autocéphale se distingue d'une église autonome par le fait qu'elle élit son évêque dirigeant, et cette élection ne nécessite aucune confirmation par une autre église.

Ainsi nous avons obtenu une indépendance totale. Après l'autocéphalie, des calomnies ont couru selon lesquelles nous nous étions vendus aux communistes, etc..., nous nous étions engagés à ne pas critiquer le pouvoir soviétique, mais tout cela n'est pas vrai.

Pour l'Eglise russe il était important qu'elle fut reconnue par l'Occident, et cette autocéphalie donnée à l'Eglise Américaine fut comme un levier dans sa lutte contre le pouvoir soviétique.

La décision pour adopter l'autocéphalie pour notre église fut votée presque à l'unanimité : 301 voix pour, 7 voix contre et 2 abstentions. Le Tomos de l'autocéphalie fut remis le 10 avril 1970. Jusqu'à nos jours l'Eglise orthodoxe en Amérique comprend des diocèses roumain, albanais et bulgare, et compte environ 700 paroisses. Presque tous célèbrent en anglais.

Je ne puis vous dire dans quelle mesure notre expérience peut vous être utile, toutefois permettez moi de souligner ce qui, de notre point de vue, doit caractériser une église, pour qu'elle devienne autonome ou autocéphale.

1. En premier lieu une église doit se caractériser par son histoire, sa géographie, sa langue.
A son origine, notre église américaine n'était pas une église de fugitifs ou d'émigrés. Elle fut mise en œuvre en tant qu'Eglise de la population locale de l'Alaska et se développa avec l'arrivée des immigrés, grâce aux personnes venues s'installer en Amérique par leur propre volonté, pour devenir des américains.

2. En second lieu, pour s'autogérer, une église doit avoir suffisamment de hiérarques, de prêtres et de fidèles afin d'être en mesure d'élire ses évêques et de faire vivre ses paroisses et ses séminaires.
A l'époque de l'adoption de l'autocéphalie, la région Métropolitaine en Amérique était déjà une Eglise solide, avec un synode complet d'évêques, deux écoles de théologie et des centaines de paroisses.

3. En troisième lieu, l'Eglise a droit à l'indépendance lorsque il n'y a aucune raison, devant Dieu et nos saintes règles canoniques, de ne pas exister de façon indépendante des autres églises, tout en étant en complète union spirituelle avec toutes le autres Eglises.
Je sais que par le passé et aujourd'hui encore beaucoup de questions et de critiques ont été formulées à l'égard de l'autocéphalie américaine. Mais il est important de souligner, que déjà Saint Tikhon, lorsqu'il était métropolite en Amérique, disait que le diocèse d'Amérique a le droit à l'autonomie.

Jusqu'à présent les Grecs refusent de reconnaître l'autocéphalie Américaine, et pourtant les Grecs sont à peine plus nombreux que nous en Amérique. Cependant rien ne les empêche d'intégrer l'Eglise Unie d'Amérique. Pour notre Eglise, pour vous parler franchement, ce n'est pas un problème.

Nous vivons notre autocéphalie comme un don de Dieu et comme le premier pas vers l'union de tous les orthodoxes d'Amérique en Eglise Unie du Nouveau Monde.

L'Eglise Russe elle-même a attendu 150 ans pour être reconnue autocéphale par Constantinople. Cela n'a pas empêché la construction des églises, des monastères et des écoles de théologie.

J'étais présent à la dernière Assemblée de l'Eglise d'Amérique en 2002. Et je dois vous dire que la forte présence de quelque 1500 orthodoxes américains, priant ensemble, discutant de l'avenir de l'Eglise, est pour moi la preuve que nous avons emprunté la bonne voie.

Parmi les participants, un grand nombre d'entre eux étaient russes, comme moi, comme le fut mon père. Mais pour eux, les Américains -- ce n'étaient pas «eux», mais «nous». Us servaient et servent dans l'armée américaine, ils ont développé des affaires aux Etats Unis, ils travaillent aux Etats Unis d'Amérique.

Comme a dit notre métropolite Léonce il y a 50 ans:
«Nous aimons notre Patrie (la Russie) - mais à travers nos enfants et nos petits-enfants nous aimons également notre nouvelle Patrie. Nous aimons et respectons notre Mère, l'Eglise Russe, mais telle une fille adulte, nous sommes liés aux enfants que Dieu nous a donnés. Et nous aimons et respectons également notre Grand-mère, l'Eglise de l'Orient Grec.Toutefois, selon nos forces, objectivement, avec prudence et à pas mesurés, et en même temps sans dévier, nous devons poursuivre jusqu'au bout notre cheminement, jusqu'à la fondation d'une Eglise Orthodoxe unifiée en Amérique.»

Catégorie : Table ronde N°2

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