Table ronde n°1 - L'Archevêché aujourd'hui

Oleg Lavroff

(Oleg Lavroff avait préparé ce texte mais n'avait pu le prononcer, étant absent lors de la Table Ronde. Il avait été remplacé par le père Nicolas Rehbinder)

Eminences, révérends pères, mesdames et messieurs,

Je me suis fixé comme ligne de conduite de rester neutre et objectif et de vous présenter un état des lieux tel que je le perçois depuis que je travaille activement au sein de notre Archevêché. J'ai préparé cet exposé en concertation avec M. Basile de Tiesenhausen que je tiens à remercier.


Spécificités de l'Archevêché

Dans un premier temps il faut rappeler les spécificités actuelles de notre Archevêché :

- l'étalement du territoire sur un certain nombre de pays d'Europe (France, Italie, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Danemark, Norvège, Suède, Espagne);

- la présence de paroisses de tradition russe sur le même territoire de juridictions différentes (Hors Frontière, Moscou, notre Archevêché);

- la plupart des fidèles sont des gens qui se connaissent et se fréquentent ; certaines paroisses
sont parfois composées d'une ou de quelques familles;

- les gens fréquentent les paroisses des uns et des autres en fonction des commodités de
transport ou d'habitude;

- le clergé est composé de prêtres :

d'origine russe, fidèles à leur origine et tradition russes;

d'origine russe, préférant créer une orthodoxie locale adaptée à un pays (par exemple pour la France);

de convertis catholiques;

de convertis de l' ECOF (église catholique orthodoxe de France), souvent des adeptes de la création d'une Orthodoxie Nouvelle.

- les fidèles sont composés :

de gens d'origine russe (nième génération et de l'émigration récente) qui restent attachés à leur origine ci qui veulent conserver la tradition russe tout en s'intégrant parfaitement dans les pays où ils demeurent;

de gens d'origine russe qui se sont totalement intégrés dans les pays nationaux et s'assimilent à une orthodoxie modernisée et adaptée à chaque pays (par exemple pour la France);

de convertis catholiques français qui ont parfois des difficultés à oublier les traditions catholiques;

de convertis de l'ECOF.

Dans un deuxième temps il me semble bon de préciser le sens actualisé du concept «paroisse russophone» :
À ce jour pratiquement toutes les paroisses russophones de notre Archevêché, attachées à la tradition russe, assurent le déroulement des offices en slavon/russe, mais utilisent également la langue nationale pour la lecture des Epîtres et de l'Évangile, de quelques litanies et parfois pour les homélies. Quelques paroisses célèbrent, de temps en temps, des offices moitié en slavon et moitié en français. Toutes les paroisses sont aptes à recevoir l'arrivée des nouveaux émigrants venus de Russie, tout en recevant également des nationaux ou francophones qui sont soit des fidèles d'origine russe ne pratiquant plus cette langue, soit des fidèles d'origine nationale attachés à la tradition russe. On peut, à titre d'exemple, citer la Cathédrale à la rue Daru, où il y a dans le même endroit, deux églises. L'une est réservée à la langue française (crypte) et l'autre dédiée majoritairement au slavon, mais où les homélies se font parfois en français, ainsi qu'un bon nombre d'offices (mariages, baptêmes, enterrements,...)

Dans certaines paroisses francophones ou de langue nationale locale, l'arrivée des nouveaux émmigrants de Russie est beaucoup plus difficile à gérer. La barrière de la langue est certes un premier obstacle, mais parfois, il existe un refus caché pour l'accueil de ces gens qui peuvent perturber l'ordre établi dans la procédure mise en place pour créer une orthodoxie locale modernisée. Certaines de ces paroisses ne respectent plus intégralement la tradition liturgique russe, introduisent des innovations que je citerai plus tard, et de ce fait les nouveaux venus sont perturbés et ne se reconnaissent plus dans ces nouvelles églises. Il est donc tout à fait normal que ces fidèles se retournent vers des églises d'une autre juridiction. Dans ce cas, on peut constater que l'Archevêché n'a pas rempli le rôle qui lui incombait.


Situation de l'Archevêché

Après ce rappel des spécificités de notre Archevêché, on peut dresser un premier court constat sur le développement de l'Archevêché. Il semble quelque peu mitigé et il peut satisfaire ou non les uns et/ou les autres.

Pour le bilan positif on peut citer à titre d'exemple :

- l'achèvement de la nouvelle construction de l'église à Bussy;

- la paroisse francophone à Nantes qui s'est développée dans un temps très court et est passée d'une trentaine de familles à soixante quinze familles cotisantes. Cet élan est lié à la construction d'une nouvelle église en bois avec un local d'accueil qui seront disponibles très prochainement;

- l'ouverture de cinq paroisses russophones en Espagne, où réside un nombre important d'ukrainiens, russes, moldaves et bulgares. Il est très difficile de donner un chiffre exact du nombre d'orthodoxes résidant dans ce pays, on peut cependant l'estimer à 100.000 personnes sur plus de 500.000 réfugiés de l'ex-URSS. Il faut prendre en considération que cet afflux d'orthodoxes nécessite une catéchisation profonde, mais les gens ont beaucoup de soucis matériels, ce qui ne leur donne pas le temps nécessaire de participer pleinement à la vie pastorale d'une paroisse. Néanmoins on constate une volonté affirmée d'une partie de ces personnes de construire une vie paroissiale et l'on peut espérer à court terme un développement rapide et durable de ces paroisses. Il existe un projet de construction d'une grande église en dur dans la région d'Alicante, en bord de mer et qui devrait se réaliser dans un proche avenir;

- la paroisse russophone à Stockholm où l'on recense maintenant plus de 1.000 cotisants inscrits.

Pour les points posant problème on peut mentionner les faits suivants :

- le passage de la paroisse de Charleroi en Belgique dans une autre juridiction ;

- l'ouverture d'une paroisse russophone d'une autre juridiction à Marseille ;

- le manque cruel de prêtres

- l'absence flagrante de formation dans la tradition russe des prêtres nouvellement ordonnés;

- le contenu et la parution tardive et peu fréquente du Messager Diocésain ;

- l'absence totale de discussion ouverte au sein de l'Archevêché entre les différents courants de pensées qui sont pourtant une richesse que peuvent nous envier d'autres juridictions.

- la volonté de quelques prêtres d'imposer sans concertation, en dehors de toute hiérarchie ecclésiale, des changements dans le déroulement des offices et principalement dans la liturgie.

Pour illustrer ce dernier point on peut citer quelques innovations qui sont introduites dans certaines paroisses :

suppression des iconostases,
déroulement de la proscomédie au milieu des fidèles,
raccourcissement extrême des offices,
abandon de la confession avant la communion (chaque fidèle peut le décider en son âme et conscience),
certains prêtres estiment qu'ils peuvent donner la communion à des non orthodoxes,
célébration des offices portes royales toujours ouvertes,
ouverture poussée à des célébrations œcuméniques.

Par ailleurs, une statistique abrégée sur le nombre des paroisses, des fidèles, du financement de l'Archevêché et de la représentativité des délégués dans les dernières assemblées générale ordinaire et extraordinaire, peut permettre de mieux comprendre l'évolution de la situation actuelle de notre Archevêché.

Statistiques générales

Nombre de paroisses, communautés, skites, monastère et ermitage : 78 dont

45 russophones (58%)

26 francophones (33%)

7 langue nationale (9%)

Clergé :

Archevêque : 1

Evêque : 1

Prêtres : 72

Diacres : 14

Total : 88


Nombre de fidèles :
Il est extrêmement difficile de donner un nombre précis de fidèles (le nbre varie selon les sources), En se basant sur des informations fournies par certains responsables de paroisses et en prenant en référence la nuit pascale, on peut afficher sans trop d'erreurs les% suivants :

68% de russoph.

25% de francoph.

7% de 1. nationale

Ces % sont largement confirmés par le% des cotisations versées par les paroisses à l'Archevêché :

83% russoph.

12% francoph.

5% I. nationale

Représentation des délégués aux assemblées générales :

50% russoph.

46% francoph.

4% 1. nationale


Anomalies

II est très important de rappeler que dès la création de l'Archevêché en 1931 le Métropolite Euloge a été à l'écoute des idées nouvelles et a contribué à l'ouverture d'une première paroisse francophone. Par la suite, l'Archevêché a toujours laissé librement s'exprimer au sein de notre entité le courant de pensée des prêtres tournés vers la francophonie et un développement de l'orthodoxie en France. Cet état de choses n'a jamais choqué ou gêné les russophones et ils souhaitent toujours avoir un contact étroit et constructif avec les francophones. Une des rares fois où les russophones ont été gênés et choqués, c'est lors du passage au français des cours donnés à l'Institut de Théologie, alors que les étudiants slavophones (70%) ne comprenaient pas le français. II a fallu beaucoup d'efforts, de la part de Monseigneur Serge, pour que les cours par correspondance en russe soient rétablis. Les francophones, comme le montrent les statistiques, sont une minorité, certes vivante et active, mais qui n'a pas le droit d'interdire de parole la majorité de l'Archevêché qui est constituée par les paroisses russophones, telles qu'elles ont été définies. Dans notre église et notre Archevêché, toute entité (majorité ou minorité) doit être à l'écoute de l'autre, ce qui, malheureusement, n'est plus le cas à ce jour.

La représentation des délégués en fonction du nombre de sites, les uns très peuplés et les autres peu nombreux, a amené un « écrasement » des paroisses russophones. Cette procédure a complètement faussé la représentativité des fidèles aux assemblées générales et au conseil de l'Archevêché. On trouve en effet à l'assemblée générale du 1er mai 2003 pour 68% de russophones 50% de délégués et pour 25% de francophones 46% de délègues. Nous sommes ainsi dans une situation où une minorité impose ses décisions à la majorité réelle. Jusqu'à la dernière assemblée générale, un dialogue existait entre les russophones et les francophones. Depuis, il a été réduit à néant. Une solution doit donc être trouvée pour remédier à cette anomalie qui n'est pas du fait des russophones.


Relations avec Moscou

En ce qui concerne les relations avec le Patriarcat de Moscou, elles remontent à novembre 1994, date à laquelle une délégation s'était rendue à Moscou (le père Jean Gueit, le protodiacre Michel Store et M. Serge Obolensky) afin d'étudier une visite éventuelle à Moscou de l'Archevêque Serge et de représentants de l'Archevêché. Au cours d'un pèlerinage en Russie, Mgr Serge a pu constater que le Patriarcat de Moscou nous reconnaissait comme une entité ecclésiale canonique et ne manifestait aucune prétention d'autorité sur nous. Par la suite, d'autres contacts et voyages ont eu lieu, dont celui de Mgr Serge pour la consécration de la cathédrale du Saint Sauveur à Moscou. Le Ier avril 2003 nous parvenait une lettre du Patriarche de Moscou Alexis II, proposant la réunion de toutes les paroisses orthodoxes de tradition russe en Europe Occidentale. Cette lettre n'a jamais été discutée officiellement au sein de l'Archevêché. Le conseil, après un vole, avait décidé d'ignorer cette lettre et de ne pas en discuter à l'assemblée générale du 1er mai 2003. Malgré de très nombreuses demandes et les engagements verbaux répétés pris par les instances dirigeantes, cette lettre est toujours en attente d'un examen au sein de l'Archevêché.

Il est tout à fait normal qu'un certain nombre de fidèles de paroisses russophones se soit inquiété du silence prolongé de la part du conseil de l'Archevêché qui avait fait connaître le 2 avril 2003 que cette lettre ne serait pas examinée à court terme. Après une première pétition adressée au nouvel Archevêque et restée sans réponse, une lettre ouverte a été publiée largement et diffusée auprès de tous les fidèles. Cette action a été également ignorée La Table Ronde de ce jour est la conséquence du refus de notre hiérarchie d'ouvrir un débat sur ce sujet au sein de l'Archevêché. Nous sommes très reconnaissant à notre Archevêque dirigeant, Mgr Gabriel, d'avoir donné sa bénédiction pour le déroulement de cette table ronde et de sa présence aux débats. Mais un sentiment de malaise existe dans la majorité des fidèles qui se sent, maintenant, exclue du sein de l'Archevêché.

Conclusions

Pour conclure cet exposé et surtout sortir de l'impasse dans laquelle se trouve notre Archevêché, il apparaît nécessaire et urgent d'entreprendre des actions qui devront permettre de rétablir un fonctionnement normal de l'Archevêché dans le domaine de l'échange des courants de pensées. Cet échange devrait normalement se faire au sein de l'Archevêché et non en dehors de ses structures, ce qui est le cas aujourd'hui.

Je pense que notre Archevêque Mgr Gabriel, conscient de cet état de fait, devrait initier et lancer rapidement des actions qui pourraient être les suivantes :

- organiser une assemblée pastorale sur le bien-fondé des innovations mises en place dans certaines paroisses ; définir les limites à ne pas franchir si Ton veut rester de tradition russe.

- créer une commission chargée de redéfinir les moyens permettant de rétablir la parité correcte au sein des assemblées générales ; établir un recensement des fidèles cotisants inscrits dans les paroisses.

- ouvrir un débat sur la lettre du Patriarche de Moscou Alexis JI ; la plus grande partie des fidèles demandent, en priorité, un explicatif sur les propositions faites et leurs conséquences éventuelles pour notre Archevêché ; organiser une assemblée générale portant sur ce sujet.

- améliorer la connaissance el la circulation rapide des informations au sein de l'Archevêché; une assemblée générale tous les trois ans est sans doute un délai trop long.

Je suis persuadé que si ces actions sont menées rapidement et correctement, la confiance mutuelle sera rétablie et permettra de retrouver un climat serein au sein de notre Archevêché. Dans le cas contraire il sera difficile de conserver l'unité intacte de notre Archevêché que veut préserver notre Archevêque Mgr Gabriel.

Je vous remercie de votre attention.

Catégorie : Table ronde N°1

Nous utilisons des cookies afin de vous offrir la meilleure expérience sur notre site web et particulièrement pour nous permettre de réaliser des statistiques de visites.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de ces cookies.