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O L T R
MOUVEMENT POUR UNE ORTHODOXIE LOCALE
DE TRADITION RUSSE en Europe occidentale
“ Nous avons transmis la foi, l’espoir et l’amour du Seigneur à nos jeunes et aux natifs d’Occident...
Mais nous ne pouvons vivre que parce que nos racines demeurent dans la Sainte Russie. ”

Contribution à la réflexion sur la nature et le rôle de l’AEOF

Tous les orthodoxes qui attendent l’unification de l’Eglise orthodoxe en Europe de l’Ouest, connaissent l’Assemblée des Evêques orthodoxes de France (AEOF). Cette institution représente en effet une première manifestation visible de la volonté commune de progresser vers la suppression des diverses « juridictions » existantes sur le même territoire, dont la superposition est si peu conforme aux canons de l’Eglise. Du reste, Sa Sainteté le Patriarche Bartholomé ne manque pas une occasion de féliciter les orthodoxes de France de l’existence de l’AEOF.

Mais méritons-nous vraiment de tels compliments ?

Cette assemblée existe depuis plus de quinze ans, mais malgré tous les souhaits, aucun progrès réel n’a véritablement été fait en direction d’une organisation de notre Eglise conforme aux canons et à la tradition orthodoxe. Nous polluons toujours le message d’amour, d’espoir et de reconnaissance, pour notre salut, qui est celui de l’Evangile que nous voulons annoncer, par la triste réalité de nos divisions juridictionnelles

Pouvons nous nous résigner à la situation présente ? Existe-il des voies et moyens que nous pourrions explorer et suggérer à nos hiérarques et nos Eglises-mères pour essayer de sortir d’une si scandaleuse situation ?

Pour le rechercher, il nous faut d’abord tenter d’analyser ce qui tend à nous maintenir dans l’impasse actuelle.

La création de l’AEOF a été préconisée en 1993 par la commission préconciliaire réunie à Chambésy. L’existence en France, d’un « Comité interepiscopal » apparu dans les années soixante du siècle dernier, grâce aux aspirations d’un certain nombre de laïcs, a largement contribué à la genèse de cette assemblée. Cependant, l’histoire de sa création apporte sans doute un éclairage sur les difficultés actuelles. On ne peut que constater, en effet, que l’AEOF est née sous le signe de l’ambiguïté.

Une assemblée d’évêques, succédant à un simple comité inter épiscopal, ce devrait être, sans conteste, un progrès décisif. Car une « assemblée d'évêques », ou « synode », ou encore « sobor », est l’appellation donnée canoniquement à la réunion des évêques orthodoxes d’un territoire, donné autour de leur Primat. C’est la manifestation visible de l’unité de l’Eglise demeurant dans ce territoire, et, à travers le Primat, de l’unité de toute l’Eglise du Christ. Mais en l’occurrence, cette appellation d’ « Assemblée des Evêques » a été donnée non pas à la réunion des différents hiérarques placés à la tête de diocèses voisins et rassemblés dans la même Eglise territoriale (locale), mais à des évêques appartenant à des Eglises différentes (celles de Constantinople d’Antioche, de Russie, de Serbie et de Roumanie) exerçant leur ministère pastoral dans des diocèses créés sur le même territoire, celui de la France, par ces différentes Eglises.

De plus, dans un synode véritable synode, le président, ou Primat, est élu par ses pairs. Or ce n’est pas le cas dans l’AEOF. Dans l’accord qui a institué cette Assemblée, il est prévu en effet que ses membres ne désignent pas eux-mêmes leur président mais qu’elle soit toujours présidée par l’évêque « de la juridiction de l’Eglise de Constantinople et, en son absence, conformément à l’ordre des diptyques ». Que veut dire exactement cette expression ? L’ordre des diptyques définit l’ordre de préséance qui existe, dans l’orthodoxie, entre les différentes Eglises autocéphales et s’applique chaque fois qu’il s’agit de relations entre celles ci

Cette particularité dans la désignation du président de cette assemblée, indique clairement qu’en son sein, les évêques ne représentent pas leur diocèse, mais l’Eglise à laquelle ils appartiennent.

Il s’agit donc, en réalité, d’une assemblée épiscopale inter juridictionnelle et non, comme son appellation pourrait trompeusement le laisser supposer, l’assemblée canonique, signe visible de l’unité d’une Eglise territoriale.

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Mais si l’AEOF ne répond pas toujours aux espoirs placés en elle, ce n’est pas seulement pour ces raisons qui ont présidé à sa naissance. Il faut bien se l’avouer, les obstacles à son développement harmonieux viennent également de nos divisions et de nos comportements. L’un des phénomènes les plus nocifs de la situation actuelle, dû à l’existence de plusieurs « juridictions », réside dans la pratique des passages de l’une à l’autre. Cette pratique est destructrice pour deux raisons. En premier lieu, elle supprime toute discipline ecclésiastique: Un prêtre, en désaccord avec son évêque, trouvera toujours un évêque d’une autre juridiction pour l’accepter dans son diocèse (de même, un évêque, mécontent de l’attitude du synode de son Eglise à son égard, peut trouver, sans aucune difficulté, une autre Eglise pour l’accueillir). En second lieu, cette pratique est dévastatrice au niveau des relations entre les différentes Eglises ayant des diocèses en Europe occidentale: tant que ce problème ne sera pas réglé, l’AEOF ne fera que cacher maladroitement nos divisions et nos disputes au lieu de progresser sur la voie de l’unité.

Mais comment éviter ces incidents? Il faut revenir au problème que l’on veut résoudre, à savoir une organisation de l’Eglise orthodoxe en Europe occidentale conforme aux canons et à la Tradition, de manière qu’elle soit unie non seulement de façon mystique mais aussi de façon visible. La première disposition est d’assurer la paix entre les juridictions, sans préjuger de la solution du problème, et considérer que chaque paroisse ou diocèse dépend de façon intangible de l’Eglise mère qui l’a créé. Sans l’accord de celle-ci (congé canonique) aucune de ses parties ne devrait pouvoir la quitter durablement. Une telle règle ne ferait que refléter l’esprit des canons de l’Eglise qui, dans leur sagesse, interdisent toute immixtion d’une Eglise dans les affaires d’une autre, pour justement éviter des désordres semblables à ceux dont nous souffrons.

Une telle façon de se conduire a-t-elle des chances d’être acceptée par tout le monde? Il ne faut pas se leurrer, elle contrarierait grandement toute action de ceux qui, persuadés de la justesse de leur vue, veulent avancer dans leur direction sans se soucier des autres. Si l’on examine objectivement la situation, on s’aperçoit que chacun a sa propre vision de la manière dont on doit organiser l’Eglise Orthodoxe en Europe occidentale, et certains tentent d’imposer leur modèle aux autres, parfois même au travers de l’AEOF. Le plus gênant est que chacun est persuadé d’avoir « compris » la nature profonde de l’orthodoxie et donc de son bon droit à imposer sa solution, voire à accuser tous ceux qui ne partagent pas les mêmes vues, d’incompétence notoire, si ce n’est d’hérésie.

Mais agir en tentant d’imposer ses vues, fut-ce en utilisant l’AEOF, dégrade à ce point les relations dans l’Eglise, que cela éloigne de plus en plus la solution véritable du problème. Il faut aussi se rendre compte que, vouloir « forcer » une solution, est en réalité reconnaître ne pas être en mesure de convaincre ni la totalité, ni même une large majorité, des autres orthodoxes concernés.

La vraie solution passe par un principe bien connu dans l’orthodoxie, qui constitue même son essence, la conciliarité. Aucune avancée ne peut voir le jour si elle est imposée contre telle ou telle Eglise-mère ou encore contre telle ou telle composante de l’orthodoxie en Europe occidentale. Ce n’est que dans la conciliarité qu’il est possible de progresser vers l’unité. Et cela suppose une vraie écoute les uns des autres et une vraie capacité à discerner ce qui unit les orthodoxes derrière toutes les broutilles qui semblent les séparer et qui prennent souvent une importance démesurée et sans rapport avec la réalité objective. Autrement dit la solution ne pourra se trouver, comme toujours, que par un approfondissement de notre foi.

Cela suppose sans doute beaucoup de temps, et en tout cas beaucoup d’échanges et beaucoup d’efforts pour que chacun puisse comprendre les implications de la solution qu’il défend et la substance de la position des autres. Cela nécessite, aussi, de bien poser les problèmes, sans tabous. Les désaccords ne portent pas tellement sur le but à atteindre - tout le monde s’accorde sur la nécessité d’une organisation territoriale de l’Eglise, (« l’Eglise locale ») - mais sur la manière d’y parvenir. Appartient-il au Patriarcat de Constantinople d’exercer, comme il le souhaite, sa propre juridiction sur cette Eglise, même provisoirement ? L’Eglise locale est-elle l’Eglise des autochtones, ou celle de tous les orthodoxes ? Peut-elle être créée dès maintenant ou faut-il attendre et pourquoi ? Comment tenir compte du fait que les orthodoxes en Europe occidentale proviennent historiquement de différentes Eglises autocéphales ? Quelle implication entraîne le fait que nous trouvions ici sur le territoire du Pape de Rome qui a cessé d’être orthodoxe ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles il faut réfléchir et répondre.

Si l’ensemble du monde orthodoxe voulait bien se pencher sur ces questions, qui intéressent l’Europe mais aussi l’Amérique et l’Australie, alors le processus conciliaire serait relancé, même s’il est appelé à durer longtemps et alors, l’Assemblée des Evêques Orthodoxes de France cesserait d’être utilisée comme une "machine de guerre" mais deviendrait une instance de progrès, sur la voie de la solution de nos problèmes ecclésiaux.

S. Rehbinder
Président de l’OLTR

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