Ainsi que l’a fort bien expliqué Anton Kartachev, dans un article publié en 1932[1], l’Etat peut être de nature très variée. Il peut être bienveillant vis à vis de l’Eglise, indifférent, persécuteur ; il peut être démocratique, monarchique, oligarchique, dictatorial. Enfin, il peut être légitime à nos yeux, ou illégitime. L’Eglise, elle, est immuable, toujours la même. Elle ne choisit pas le pouvoir civil de l’Etat, mais s’en accommode, le respecte et prie pour lui car tout pouvoir vient d’en haut. Parfois, elle collabore avec lui sur des points précis concernant son statut ou sa vie juridique, ou encore ses activités de bienfaisance. Parfois, elle tente de se défendre contre lui, quand il est persécuteur, mais jamais, elle ne le fait par des moyens politiques.
Toutefois, tout ce qui vient d’être dit n’empêche pas l’Eglise d’aimer le peuple, dont elle a la charge, dans toute sa diversité, et d’œuvrer pour le bien du pays où elle se trouve.
Très souvent, les opposants politiques à un pouvoir accusent l’Eglise de soutenir ce pouvoir. Il arrive que ce soit simplement parce que l’Eglise ne condamne pas ce pouvoir qui leur parait insupportable. Parfois, le pouvoir de l’Etat accuse l’Eglise de ne pas le soutenir.
Cependant, nous, chrétiens, nous savons que l’Eglise est une réalité qui n’est pas dans le même plan que l’Etat. L’Eglise n’est pas de gauche, ou de droite, ou du centre. Elle rassemble ses enfants qui peuvent avoir des convictions politiques très différentes. Et, l’Eglise est une réalité divino-humaine qui est objet de notre foi.
Monseigneur Euloge n’a pas rompu avec le Patriarcat de Moscou, parce que ce dernier aurait soutenu le pouvoir bolchevique. Il a cherché la protection du patriarcat de Constantinople, parce que le pouvoir de l’Etat (bolchevique et antireligieux) s’immisçait par la force et la persécution, entre lui et l’Eglise.
Des expressions comme « Eglise rouge » ou « Eglise de Lénine » auraient été quasiment blasphématoires, car nous croyons en l’Eglise, et nous croyons que les portes de l’enfer ne prévaudront pas sur Elle.
Il nous est, souvent, difficile de ne pas essayer de mêler l’Eglise à nos passions politiques. Nous devrions résister à ces tentations qui n’amènent rien de bon.
S. Rehbinder
Juillet 2013
[1] L’Eglise et l’Etat, Supplément au journal « Pout’ 33 (avril 1932) Réédité aux éditions « Prob’el » Moscou 1996.