Editorial de Mars 2016 - Un désaccord inutile

Par le communiqué du 20 février 2016, nous avons appris que le conflit entre cette entité d'une part, et la fédération de Russie et le patriarcat de Moscou d'autre part, entrait dans une nouvelle phase.

Nous sommes, bien entendu, atterrés par cette nouvelle.

A la lecture des premiers éléments en notre possession, il apparaît que la substance de ce conflit soit, en fait, un contentieux juridique sur la propriété de certains biens, actuellement gérés par l'ACOR-Nice (une association, certes, membre de l'Archevêché mais ce dernier n'est pas directement concerné). Il nous paraît difficile de prendre une quelconque position sur ce différend d'ordre strictement civil ou foncier ; d'une part parce que notre association ne dispose pas d'éléments tangibles pour en juger, d'autre part parce que cette question ne relève pas du domaine purement ecclésial.

 

Nous observons, aussi, que les responsables ou sympathisants de l'ACOR-Nice semblent postuler l'existence d'une opposition frontale entre la Fédération de Russie et l'émigration russe. Ce postulat est plus que contestable et il est tout à fait abusif de considérer que tous les membres de l'Archevêché partagent la même attitude d'hostilité à l'égard du patriarcat de Moscou. Il est vrai qu'en vertu du raisonnement spécieux selon lequel tous ceux qui ne partagent pas les vues du conseil de l'Archevêché s'excluent eux-mêmes de son sein, tous les opposants à la ligne hostile au Patriarcat de Moscou ont été discriminés et chassés de toutes les instances par des moyens parfois à la limite de la décence, qu'ils soient évêque, prêtres ou laïcs.

Nous sommes, pour notre part, à la fois membres de l'archevêché et amis du patriarcat de Moscou et nous trouvons ce conflit particulièrement mal venu.

Le communiqué du 20 février comporte du reste plusieurs inexactitudes. Il y est écrit, à propos du cimetière de Caucade et de l'église de la rue Longchamp : « que possède et gère l'ACOR-Nice depuis l'origine ». Il faut préciser depuis quelle origine exactement il s'agit. L'église dont il est question a été construite en 1859, bien avant que l'Acor-Nice ne commence son existence après la révolution russe. Et le cimetière a été aménagé sur un terrain acheté par l'empire russe, en 1867, pour y installer une batterie destinée à protéger la baie de Villefranche où stationnaient des bateaux de guerre russes, après la guerre de Crimée.

Par ailleurs, ce communiqué accuse la Fédération de Russie de falsifier l'histoire. Pourtant, nul ne peut contester, même si on peut le regretter, que l'URSS a succédé à l'Empire Russe et que la Fédération de Russie, on s'en réjouit, a succédé à l'URSS. De même, on ne peut nier que l'Eglise russe, devenue autocéphale au 16ième siècle, a continué son existence quand elle eut perdu son patriarche, pour connaître l'époque synodale, puis le rétablissement du patriarcat, immédiatement suivi par les persécutions sauvages de l'époque soviétique. Qu'on le veuille ou non, c'est cette même Eglise qui a connu ces tribulations et donné des milliers de martyrs, qui vit sa renaissance depuis la dernière décennie du 20ième siècle. On peut ne pas l'aimer, voire le détester, on peut le calomnier ou l'affubler de tous les défauts de la terre, mais le patriarcat de Moscou administre la même Eglise russe qui existait avant la révolution.

Et puisqu'on en est à convoquer l'histoire, il faut se souvenir que la propriété de la cathédrale de Nice a été confiée à l'Acor expressément parce qu'elle représentait, alors, l'Eglise russe sur place. Les actes de transferts, attestant cela, existent toujours. Et il est certain que les premiers émigrés et leurs descendants ne se considéraient pas comme propriétaires des lieux de culte qu'ils ont trouvés en Europe, mais qu'ils en étaient les dépositaires avec le devoir de les entretenir pieusement. Ils n'auraient même pas pu imaginer que quelques membres des dernières générations puissent s'approprier ces monuments pour réaliser des projets sans aucun lien avec leur histoire russe. N'est-il pas paradoxal de voir « l'Archevêché des églises orthodoxes russes en Europe occidentale » être en guerre avec l'Eglise russe (ou vice versa) ?

Manifestement, les deux parties sont persuadées de leur bon droit. Pourtant, on sait maintenant que Mgr Serge avait, déjà, pratiquement obtenu du patriarcat de Moscou l'organisation d'une métropole autonome qui lui fut rattachée. N'oublions pas, non plus, que lorsque l'ambassadeur de la Fédération de Russie rendit visite à Mgr Gabriel pour le prévenir que son pays allait faire valoir ses droits sur la propriété de la cathédrale, il lui proposa de renouveler au profit de l'Archevêché le bail qui venait d'échoir. Proposition qui fut sèchement refusée. Des voies de conciliation existent donc.

Pour que la paix règne dans la « Sainte Église de Dieu », il ne suffit pas de s'arcbouter sur ses droits et se focaliser sur les défauts des autres. Il faut manifester une réelle volonté de vivre ensemble et rechercher « l'union de tous » pour laquelle nous prions à chaque office.

Séraphin Rehbinder

Président de l'OLTR

9 Mars 2016

 

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