Nous publions ici la traduction en français (*) de la conférence de Monseigneur BASILE DE SERGIEVO (**) dont le sujet est « L’esprit de l’action pastorale du métropolite Antoine ».
Cette conférence était prononcée le 13 novembre 2005 dans le cadre du CYCLE DE CONFERENCES organisé par le diocèse du Patriarcat de Moscou en Europe Occidentale à l’occasion du 75ième anniversaire de la fondation de la paroisse des Trois Saints Hiérarques à Paris et est consacré au RAYONNEMENT SPIRITUEL DE L’EPARCHIE DE CHERSONESE AU XXième SIECLE.
Le Métropolite Antoine comme Pasteur:
Les Statuts du Diocèse de Sourozh
Votre Eminence, frères et sœurs,
C’est pour moi à la fois un plaisir et un honneur que d’être invité cet après-midi pour vous parler du travail pastoral de Monseigneur Antoine, dans le contexte de la célébration du 75e anniversaire de la fondation de la métochie des Trois Saints Docteurs. Cet événement a eu lieu presque en même temps que le Métropolite Antoine a fait l’expérience de la présence du Christ dans sa vie, un fait qui l’a marqué pour toujours et qui a contribué a faire de lui l’une des figures les plus marquantes de la diaspora russe du XXe siècle, le fondateur et le premier évêque du Diocèse de Sourozh.
On m’a demandé de parler de l ‘«esprit du travail pastoral du métropolite Antoine ». C’est un sujet très intéressant que l’on pourrait développer dans plusieurs directions. Toutefois, je voudrais cet après-midi concentrer votre attention sur un seul aspect, celui dont je pense qu’il exercera l’influence la plus durable sur le Diocèse de Sourozh et peut-être aussi, dans un contexte plus vaste, sur l’orthodoxie d’Europe occidentale.
Le travail pastoral est un travail de Pasteur, de berger. Tout évêque est le berger de son troupeau, le diocèse qui lui a été confié. L’un des signes du respect que le Patriarcat de Moscou témoignait au Métropolite Antoine est le fait que le Saint Synode a souhaité créer un diocèse pour lui en Grande Bretagne dès 1962, dans le cadre de l’Exarchat d’Europe occidentale, à une époque où il n’y avait là qu’une poignée de clercs et un troupeau relativement petit. Lorsqu’en 1963 le Métropolite Nicolas (Eremine) prit sa retraite, le Métropolite Antoine fur chargé de l’exarchat ; il a gardé sa position d’exarque jusqu’en 1974 : il démissionna alors de ce poste, après que Soljenitsyne ait été expulsé d’Union Soviétique. La raison officielle de sa démission était son désir de se consacrer à ses fidèles de Grande Bretagne. Ce n’est probablement pas une coïncidence que, dès l’année suivante, le métropolite Antoine rassemble la première Conférence Diocésaine annuelle, tenue à Effingham dans le Surrey, en mai 1975, avec l’intention précise de former un groupe de laïcs, conscients de la véritable nature de l’Église, et qui souhaitait travailler en accord avec le clergé pour en assurer le développement.
Les deux premières conférences furent une grande réussite et le Métropolite Antoine nomme alors une Assemblée Diocésaine qui se réunit pour la première fois en février 1977. Elle était constituée de tout le clergé du diocèse et de représentants de chaque communauté ainsi que d’autres membres spécialement choisis. Sur le conseil du Métropolite Antoine, l’Assemblée nomma alors un Comité de Statuts dont je faisais partie, j’étais alors archiprêtre, ainsi que Costas Carras et le Docteur Anthony Walker. Notre tâche consistait à préparer des statuts pour le futur diocèse qui reflèteraient la position constamment réitérée du Métropolite Antoine, à savoir : les principes définis par le Concile de Moscou de 1917-1918, bien qu’inapplicables pour des raisons évidentes dans ce qui était alors l’Union Soviétique, constituaient le fondement sur lequel devait être organisée la vie de l’Église Russe au sein de la diaspora.
Le comité des Statuts se mit au travail et définit des positions de principes qui ensuite, section par section, devaient être soumises à l’Assemblée pour être examinées et finalement approuvées. La base de ce travail était le Concile de 1917-18, mais nous étions aidés par le fait que « la Métropole », ainsi qu’on la désignait, des Etats Unis d’Amérique avait accompli une tâche similaire quelque temps avant nous. Les Statuts de la « Métropole » avaient été adoptés en 1955 au neuvième Concile de toute l’Amérique et modifiés ultérieurement durant les Conciles de 1959, 1963 et 1967. Il est important de noter que la direction intérieure de la « Métropole » a été approuvée de fait par le Patriarcat de Moscou, lorsqu’en 1970 il a accordé l’autocéphalie à ce qui était appelé auparavant « L’Église catholique orthodoxe russe et grecque d’Amérique » devenue désormais l’OCA ou Église orthodoxe d’Amérique (Orhodox Church of America). Après l’autocéphalie, des changements ultérieurs nécessaires furent introduits dans les statuts de la nouvelle église, ratifiés au Concile de toute l’Amérique en octobre 1971 et qui continuent à être appliqués, avec quelques modifications, jusqu’à nos jours.
Le contexte politique russe dans lequel s’inscrivait le travail du Comité des Statuts était la période de « stagnation », « les années Brezhnev » pendant lesquelles l’Union Soviétique avait fort mauvaise presse en Grande Bretagne et ailleurs, et les persécutions et arrestations de dissidents était l’aspect de la vie russe le plus souvent reflété par les media britanniques. D’après l’attitude adoptée durant ces années par le Métropolite Antoine, son diocèse était en quelque sorte la voix de l’église de Russie « libre » ou l’Église Russe telle qu’elle aurait été, si elle n’avait été réprimée par le régime soviétique.
Principes de base.
Depuis les tous débuts de son travail, le Comité des Statuts avait pour principe de base « l’ecclésiologie eucharistique » développée par le Père Nicolas Afanassiev à Saint Serge, à Paris et appliquée par des personnalités aussi remarquables que le Père Alexandre Schmemann, le père Jean Meyendorff et le professeur Jean Zizioulas (actuellement Métropolite Jean de Pergame). Cela voulait dire en pratique que le Comité cherchait à garder présente à l’esprit la structure liturgique de la Divine Liturgie, lorsqu’elle est entièrement célébrée par un évêque entouré de son peuple.
Selon cette forme et d’après la pratique courante, l’évêque entre dans l’église, il est revêtu de ses ornements sacerdotaux au milieu du peuple et est rejoint par le reste du clergé célébrant. L’église locale, le diocèse, est formé sous nos yeux avec l’évêque au centre, entouré de son troupeau, dans une forme ordonnée et structurée, avec chacun de ces membres chargés d’une tâche précise et chacun apportant sa contribution à la plénitude et à l’accomplissement de l’ensemble.
Au moment de la Petite Entrée, l’évêque entre dans le sanctuaire, en suivant l’Evangile porté par les diacres et il est rejoint dans le sanctuaire par le reste du clergé. L’Épître et l’Évangile sont lus, et l’évêque prêche la Parole de Dieu en tant qu’enseignant du troupeau. Ensuite, après le congé des catéchumènes, le clergé apporte à l’évêque les dons non sanglants de pain et de vin. Il les reçoit et procède à leur consécration, après quoi les Portes saintes sont ouvertes et il sort avec le diacre pour distribuer les Saintes Espèces au peuple. Lorsque le peuple a communié, il lui donne son congé par les paroles « Sortons en paix » et la paix de Dieu, la paix du Christ est portée par le peuple au monde.
Selon les Statuts, interprétés ainsi, les rôles respectifs de l’évêque, des prêtres, des diacres et des laïcs découlent de la place qu’ils occupent dans la Divine Liturgie, avec l’évêque entouré de son collège de prêtres, assistés par les diacres et confirmés dans leur rôle par le « Amen » des fidèles. Ainsi dans le diocèse, l’évêque est au cœur de tout ce qui se fait. « C’est à lui qu’échoit le rôle d’assurer l’unité de la communauté autour de lui-même comme image du Christ. Rien ne doit se faire sans qu’il le sache et le bénisse. Et c’est le devoir du clergé de / … / conseiller l’évêque et de l’assister dans sa tâche, en conservant l’unité parmi eux, préservant ainsi l’unité parmi les fidèles. En définitive, c’est le devoir particulier et la vocation même des fidèles, dans l’unité avec l’évêque et son clergé, de contribuer à la construction de l’Église Locale, par celle du Diocèse /…/ et de répandre le message du Christ dans la société, à travers tout ce qu’ils disent et font. » (Introduction, pviiif .) L’église dans son ensemble est un corps sacerdotal, le Corps du Christ, dans lequel chacun ou chacune a son rôle à jouer.
Conditions locales.
En Grande Bretagne comme ailleurs, la vie concrète de l’église est conditionnée par la situation locale, la culture locale et en particulier par des contraintes locales d’ordre juridique. En Grande Bretagne, l’un des facteurs les plus importants est la spécificité de la loi anglaise sur les Associations. C’est elle qui assure l’institution d’entités légales dont le but et la manière de travailler sont déterminés par des Actes d’Association dont les termes sont contrôlés par l’État. La moindre dérogation aux termes de l’Association encourt des poursuites juridiques sévères.
La loi anglaise sur les Associations s’est développée régulièrement durant les cinq derniers siècles ou presque, et a été récemment considérablement étendue et codifiée. Le gouvernement anglais accorde des privilèges d’allègement d’impôts conséquents à ce que l’on appelle les « Associations caritatives », mais à la condition stricte que les activités d’une Association caritative soient publiquement connues. Actuellement les comptes de toute Association caritatives sont à la disposition du public, de même que les noms des membres de l’Association qui sont responsables du respect de ses conditions d’activité. Chaque année, les membres d’une Association doivent préparer un rapport écrit sur les activités de l’Association et celui-ci est aussi mis à la disposition du public. Le résultat de tout cela est qu’une Association donnée doit rendre compte, en complète transparence. de chaque centime dépensé au cours de ses activités. Toute personne a le droit de faire une réclamation à une Association caritative donnée, si il ou elle pense que les choses ne sont pas réalisées de façon adéquate. Ce fait a eu un impact considérable dans l’élaboration des statuts du diocèse de Sourozh.
Caractéristiques générales du travail épiscopal.
Dans les Statuts, le rôle de l’évêque est définit dans trois chapitres : l’évêque en tant que président de l’assemblée eucharistique, en tant qu’enseignant ou maître et en tant que pasteur. Le chapitre que je désire analyser aujourd’hui est le troisième, celui de l’évêque en tant que pasteur, tel qu’il a été défini sous la direction du Métropolite Antoine.
Ce rôle peut être examiné de plusieurs points de vue. Dans les Statuts, tels qu’ils existent, l’un d’eux est le fait que l’évêque exerce son pouvoir « de lier et de délier », que ce soit personnellement ou par l’intermédiaire de son clergé. On pourrait aisément croire que ce pouvoir est lié à son rôle de président de l’assemblée eucharistique plus étroitement qu’à son rôle de pasteur, puisqu’il concerne essentiellement la possibilité d’accorder la permission de participer à la communion, et donc de la refuser. Personnellement je préfèrerais cette interprétation, mais ce n’est pas celle qui a été choisie à l’époque.
Ensuite il lui est demandé de préparer et d’ordonner des candidats à la prêtrise. Les Statuts stipulent que cela doit être fait, si c’est possible, lorsque une communauté locale propose quelqu’un. En tout cas, cela doit être fait après consultation du clergé et de la communauté locale. Il faut noter que seule la consultation est requise, l’évêque n’a pas les mains liées. Dans le cas de diacres, sous-diacres et lecteurs, la consultation avec la communauté locale est la seule condition à remplir, car il est entendu que le clergé est un corps collégial et que de nouveaux membres ne doivent pas y entrer de force,, sans consultation préalable. Le transfert de membres du clergé doit aussi se faire uniquement après consultation.
Jusqu’à présent l’expérience a fait la preuve de la valeur de ces procédures. Dans la situation actuelle de développement de la diaspora, il est extrêmement important que la communauté locale se sente responsable pour encourager les candidats qui conviennent à se mettre à la disposition de l’Église et à y assurer un service. L’église Mère ne peut en fournir, même si elle peut aider à les former.
L’évêque agit aussi en qualité de juge dans le diocèse, une tâche lourde qui correspond à certains égards à ce que fait le Christ au Dernier Jour. Pour assister l’évêque, les Statuts avaient envisagé au départ un groupe de médiateurs et un tribunal, mais après une période de dix ans environ, pendant lesquels ces groupes ne s’étaient jamais réunis, il a été décidé d’amender les Statuts et de les simplifier en constituant une Cour Diocésaine unique dont les membres reçoivent l’approbation de l’évêque.
Ce corps non plus n’a jamais été convoqué et l’on n’est pas sûr que le diocèse, dans son état actuel, a des membres du clergé et des laïcs assez compétents pour accomplir des tâches juridiques de manière adéquate. Pour cette raison il semblerait plus approprié actuellement d’adopter la structure récemment instituée par l’Église russe et d’utiliser le Conseil Diocésain comme corps qui examinerait les cas disciplinaires et les soumettrait à l’avis de l’évêque. De toute façon, c’est lui qui reste l’autorité ultime et il doit approuver et confirmer les décisions de la Cour. Il existe une possibilité d’appel au Saint Synode en tant qu’autorité supérieure, si cela est nécessaire. Il est intéressant de constater qu’une procédure d’appel est désormais requise par la loi britannique aussi.
Les autres aspects directs de l’activité pastorale de l’évêque sont l’établissement de nouvelles paroisses, (après consultation du clergé) et la surveillance de la vie monastique. De plus il est naturellement appelé à visiter régulièrement ses communautés locales.
L’évêque en tant que président du clergé.
Les relations de l’évêque avec son clergé sont peut-être l’aspect le plus important de la structure diocésaine telle qu’elle fut élaborée par le Métropolite Antoine. Le terme « clergé » (d’où en anglais le mot « prêtre » en français « clerc ») signifiait simplement à l’origine « le plus âgé ».Non pas en termes d’âge mais au sens de quelqu’un qui a vécu, a acquis une sagesse qui vient de l’expérience, quelqu’un qui a surmonté les faiblesses et la versatilité de la jeunesse. C’est sur cette sagesse ecclésiale que se fonde l’exigence qu’un prêtre soit un homme marié, en d’autres termes, un homme qui a déjà pris sur lui la responsabilité d’autres personnes : une femme, des enfants, des parents qui deviennent vieux, avant de prendre la responsabilité de l’autre famille, à savoir l’Église.
En conséquence, le clergé est un corps qui par sa nature même est bien placé pour conseiller l’évêque, pour partager avec lui la responsabilité de la direction pastorale du Diocèse. Lorsque le Métropolite Antoine a commencé à réunir son clergé, nous étions cinq. Pour moi personnellement, cela a été une expérience extrêmement profitable. Pour commencer, bien sûr tous les autres prêtres étaient plus âgés que moi, et je me pénétrais de tout ce que je pouvais à partir de ce qu’ils disaient, des histoires qu’ils racontaient, des commentaires qu’ils faisaient sur la vie de leur paroisse, et aussi tout simplement de leur comportement. Le plus frappant dans nos réunions était la qualité d’écoute du Métropolite Antoine. Il ne montrait jamais aucun désir de dominer son clergé. Mais ce qu’il disait avait en fait un grand impact, à cause de la personne même qui émettait un avis. Et après discussion, chacun de nous savait très bien quelle était la réponse et quelle direction il nous fallait prendre.
Tandis que, au fil des ans, les dimensions du diocèse s’accroissaient, le besoin commença à se faire sentir de créer un groupe plus restreint autour de l’évêque, qui aurait la possibilité de se réunir plus souvent afin de fournir ainsi une sorte de soutien en plus petit. Une section fut introduite dans les Statuts qui prévoyait la création d’un Conseil Episcopal, dont le clergé et les membres laïcs devaient être choisis et nommés par l’évêque parmi les membres de l’assemblée, avec l’idée qu’ils l’aideraient particulièrement pour les communautés périphériques.
En définitive cela s’est avéré irréalisable, surtout à cause de la répugnance innée du Métropolite Antoine pour toute forme de réunion.. Depuis que les paroisses et les communautés du diocèse ont été réorganisées en doyennés, il y a un an et demi, il a été possible de remplir cette dernière fonction en tenant régulièrement des réunions des cinq doyens avec le Doyen du clergé. Cela s’est avéré efficace pour assurer la constitution d’un groupe restreint de conseillers, capables d’assister l’évêque dans des affaires spécifiquement pastorales.
L’évêque en tant que président de l’Assemblée Diocésaine et du Conseil Diocésain.
Le premier moyen de créer un groupe de clercs ou de laïcs offert par les Statuts pour transcender le niveau purement paroissial de la vie d’Église a toujours été l’Assemblée Diocésaine. Dès le début ses membres ont été recrutés de multiples façons. Tous les évêques et prêtres sont automatiquement membres, tandis que les diacres sont invités à assister, sans voter, sauf s’ils sont élus en leur nom propre. Ensuite il y a un seul membre élu par paroisse et par la paroisse et un membre nommé par l’évêque pour chaque communauté locale avec le droit d’assister et de parler sans voter. Enfin vingt huit membres supplémentaires sont choisis au sein du diocèse tout entier, par une élection qui a lieu à travers tout le Diocèse. Sept membres sont choisis chaque année pour une durée de quatre ans. A présent il y a environ quarante membres en titre dans l’assemblée, avec en plus quelque vingt membres qui ont le droit de parler mais pas de voter.
L’assemblée élit le Conseil Diocésain parmi ses membres ; celui-ci doit compter entre dix et seize membres dont six doivent être des laïcs (parmi eux le Secrétaire et le Trésorier Diocésains). La tâche de cette instance plus petite est de préparer l’ordre du jour de l’Assemblée, de prévoir le budget annuel, de nommer des comités sur la demande de l’Assemblée et d’appliquer les décisions de l’Assemblée.
La personne qui doit présider le Conseil aussi bien que l’Assemblée est proposée par l’évêque, l’Assemblée donne aussi son approbation, avec le but de libérer l’évêque de cette tâche. Ceci afin que l’évêque puisse diriger le travail de ces corps et en même temps d’assurer que la personne qui l’accomplit jouit de sa complète confiance. Dans tous les cas toutes les décisions du Conseil aussi bien que de l’Assemblée doivent être approuvées par l’évêque avant de prendre effet. De cette façon l’évêque garde le contrôle final sur les activités du Diocèse. Sans sa bénédiction aucun programme ne peut être réalisé.
Autres aspects divers.
L’une des tâches les plus difficiles du Secrétaire Diocésain est de préparer l’électorat et de réaliser les élections diocésaines. La liste est établie sur la base de listes envoyées par le Secrétaire aux différentes paroisses et communautés locales. Il est aussi de leur ressort de veiller à ce que dans les communautés locales les élections se déroulent de façon normale.
Dans les années 70 et 80 on a envisagé que le choix du candidat proposé au Saint Synode pour être consacré comme évêque diocésain soit fait par le Diocèse tout entier, mais avec le temps et l’accroissement du nombre de paroisses et de communautés locales, on a convenu que ce n’était pas praticable et dans sa dernière version des Statuts, l’Assemblée elle-même propose un candidat à l’approbation synodale.
Les Statuts prévoient aussi la désignation d’un comité de surveillance. Ceci est maintenant tombé en désuétude car la nouvelle législation du pays prévoit que les comptes des actes caritatifs de notre envergure soient surveillés par des professionnels. Mon sentiment est que, malgré cela, le comité de surveillance pourrait à nouveau devenir actif avec une tâche élargie: celle d’examiner l’administration des activités diocésaines en général et de faire des suggestions pour en augmenter l’efficacité.
Présentation des Statuts au Patriarche.
Après la chute du communisme en 1991 et l’ouverture qui s’en est suivie de la vie de l’Église aux pays de l’Ex Union Soviétique, le Métropolite Antoine a suggéré que nos Statuts Diocésains soient présentés au Patriarche et au Synode, en tant que contribution de notre part au processus de révision des Statuts de l’Église Russe qui se déroulait en vue du Concile de l’an 2000.
En juin 1998 les Statuts Diocésains ont été produits pour la première fois sous forme imprimée. Une traduction en russe en a été préparée et ils ont été portés à Moscou par moi-même et Irina Kirillova, présidente de l’Assemblée, cette année-là ( ?). Durant notre audience chez le Patriarche nous avons demandé si les Statuts pouvaient être approuvés par le Saint Synode. Le Patriarche a sourit et nous a répondu : « Mais vous vivez bien selon ces statuts, n’est-ce pas ? » Nous en avons déduit qu’ils ne seraient pas officiellement approuvés, mais que leur application recevait ainsi une acceptation tacite. En fin de compte, le Statut de l’Église Russe adopté en 2000 a été composé en gardant à l’esprit les conditions de la vie de l’Église dans la Fédération de Russie. Pratiquement aucune attention n’a été prêtée à l’expérience de l’Église Russe dans la diaspora. C’était probablement à la fois nécessaire et inévitable.
La situation actuelle.
Toutefois, la situation a radicalement changé, il y a deux ans. Le 1er avril 2003, le Patriarche Alexis a publié une lettre ouverte aux hiérarques et aux paroisses des trois branches de la diaspora Russe en Europe occidentale les invitant à surmonter leurs différences et à se réunir pour former une seule métropole auto administrée en Europe occidentale, au sein du Patriarcat de Moscou. Non seulement cela contribuerait, disait-il, a consolider l’unité parmi le nombre excessif de juridictions présentes en Europe occidentale, mais cela pourrait aussi servir de modèle aux autres juridictions de la région, facilitant ainsi la création éventuelle d’une Église Locale multi ethnique en Europe Occidentale. Le Patriarche a souligné que les différentes juridictions russes en Occident avaient développé au cours des ans leur propre façon d’administrer leurs fidèles; il acceptait l’idée qu’il y en aurait beaucoup qui souhaiteraient garder ces pratiques, au moment où il faudrait déterminer les structures internes et les activités de la future métropole. Il a noté que ces pratiques incluaient même l’élection des évêques par le diocèse.
Le patriarche a explicitement demandé au Métropolite Antoine de se prendre la tête de la nouvelle métropole, tout au moins provisoirement, jusqu’à ce que les conditions pour l’élection d’un successeur puissent être réunies. La désignation du Métropolite Antoine était justifiée par le grand respect de tous, mais au delà de ce respect il devait y avoir la conviction qu’il avait si bien su diriger le diocèse de Sourozh que celui-ci avait pu s’intégrer de façon naturelle en Grande Bretagne, tout en demeurant fidèle au Patriarcat de Moscou.
Lorsque le Métropolite Antoine reçut la lettre du Patriarche, sa réponse a été très simple : « Eh bien, ils ont enfin entendu ce que j’ai toujours dit! » Mais il était déjà très atteint par le cancer et il est mort exactement quatre mois plus tard. Il n’y avait en fait aucune chance qu’il puisse remplir la tâche que le Patriarche lui avait confiée. On aurait pu croire, par conséquent, que la suggestion du Patriarche n’aurait aucune suite.
Toutefois au mois de mai de cette année, l’Archevêque Innocent de Korsoun est revenu à l’idée d’une métropole d’Europe occidentale avec une importante conférence intitulée «L’unification de la Diaspora Russe. Un pas vers la création d’une Église Locale ». Dans cette conférence il est retourné à la teneur de la lettre du patriarche du 1 avril 2003 et a détaillé quelques-unes unes de ses implications, plaçant ses propositions dans le contexte de l’Orthodoxie universelle et de la position cohérente de l’Église Russe concernant l’avenir de la diaspora à travers le monde. Alors qu’il terminait sa présentation, l’archevêque Innocent a appelé les différentes juridictions de la Diaspora Russe en Europe Occidentale à œuvrer ensemble pour élaborer les cadres dans lesquels l’unité pourrait être réalisée.
Durant ces derniers mois j’ai eu l’occasion de revenir sur cette conférence en détail, d’abord avec les doyens des différents doyennés du Diocèse, ensuite au cours d’une réunion de l’ensemble du clergé et très récemment, au sein du Conseil Diocésain. Cette présentation de l’archevêque Innocent a été reçue dans un climat de grande confiance, même si on ne se fait pas d’illusions sur la complexité de la tâche qu’il nous confie et des barrières qui existent et en empêchent une complètent réalisation. Mais la proposition de créer une métropole apparaît comme un développement organique de tout le travail que le Métropolite Antoine a mis dans la création du Diocèse de Sourozh et dans l’élaboration de structures dans lesquels celui-ci existe maintenant. Il est particulièrement encourageant de voir dans la conférence de l’archevêque Innocent une référence explicite aux Statuts de notre Diocèse et la reconnaissance du fait que le diocèse « est dans la pratique gouverné selon un statut interne qui a changé notablement /en comparaison avec celui du Patriarcat/ qu’il est par certains aspects proche du Statut de l’Exarchat du patriarcat de Constantinople et relié à celui de Moscou, en 1917-1918. »
Conclusion.
La conclusion que je peux tirer de tout cela est que le Métropolite Antoine était très en avance sur son temps, par la façon dont il comprenait la direction que devaient prendre les Orthodoxes d’Europe Occidentale et ce qu’ils devaient faire afin d’arriver au but. Dans sa lettre au Patriarche Alexis du 22 juin 1998 où il demandait que les Statuts du Diocèse de Sourozh soient reconsidérés avec attention par le Patriarche et le saint Synode, il déclarait en évoquant la façon dont ces Statuts avaient été élaborés : «Ces Statuts ont commencé par être à nos yeux une théologie de l’unité de l’Église, nouvellement manifestée et, en vérité potentiellement, par la diaspora qui a cessé d’être seulement et rien de plus que la simple présence dans des pays non orthodoxes de représentants des églises mères, pour devenir L’ÉGLISE, à la fois déjà en Dieu et en devenir, vivante et une.
Ce qui me paraît là très important, et il en est fait écho dans la lettre du Patriarche et dans la conférence de Monseigneur Innocent, est l’expression « Églises Mères » au pluriel. Ce qu’il voulait souligner, et ce point était souligné par le Patriarche aussi bien que par l’Archevêque Innocent, est que toutes les diasporas ethniques sont appelées à suivre la voie qu’a empruntée le Diocèse de Sourozh. En d’autres termes, elles sont appelées à convertir ce qui était une émigration politique et économique en ce qu’elle est réellement aux yeux de Dieu : une occasion, une invitation, une vocation à incarner l’Église Orthodoxe en Europe Occidentale et à travers le monde dans les formes désignées par les Saint Canons. De plus il faut en accepter le fait que cela signifie adopter en toute sincérité et avec son cœur le processus d’acculturation dans les pays nouveaux et les cultures nouvelles. Et il faut le faire avec la conscience que l’Orthodoxie n’est plus de nos jours un phénomène « Oriental », mais une présence universelle, telle un levain pour le monde.
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(*) Traduction par Madame Véronique LOSSKY.
(**) Mgr Basile a démissionné de sa charge épiscopale mais le sujet traité ici a paru très intéressant pour être reproduit ici.